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Photo du rédacteurWilliam Beville

Baudoin IV de Jérusalem, le roi lépreux

Dernière mise à jour : 24 nov. 2023


Baudoin IV, mis en scène par Ridley Scott dans le film Kingdom of heaven, 2005



Il existe dans l’histoire quelques personnages mythiques, acteurs fantastiques des grands combats de leur temps, figures sublimes et fascinantes. Baudoin IV de Jérusalem (1161-1185) fut sans conteste l’un de ces hommes. Par la brièveté de sa vie et la grandeur de ses actes, cette immense figure christique, sublime créature souffrante, héros du christianisme médiéval et défenseur de la Jérusalem chrétienne, nous apparait comme un guerrier providentiel, descendu de son bataillon céleste pour accomplir la volonté du seigneur en terre sainte.


Baudoin IV vit le jour en 1161, 60 ans après la création des quatre états latins au Levant ( la Principauté d’Antioche, le comté d’Edesse, le Comté de Tripoli et le royaume de Jérusalem). Ceux-ci furent créés après la première croisade (1096-1099) ordonnée par le pape Urbain 2 en vue de rétablir l’accès des pèlerins à Jérusalem, protéger le Saint Sépulcre et défendre les chrétiens persécutés en terre sainte.  


Fils d’Amaury 1er, roi de de Jérusalem, Baudoin fut formé dès son plus jeune âge à l’art de la guerre, à l’histoire et à Dieu par Guillaume de Tyr, archevêque de la ville du même nom. Ce fut durant ses années d’apprentissage que Baudoin commença à ressentir les premiers signes de la maladie dont il devait souffrir toute sa courte vie : la lèpre. Cette maladie infernale, sorte de peste paralysante et incurable, entrainait des séquelles permanentes et irréparables. Progressant très lentement, elle rongeait progressivement son corps entier, boursouflant ses chairs et recouvrant sa peau de plaies purulentes. Elle entrainait également paralysie et crises de tétanie, atteignait les yeux, rendant le malheureux aveugle et touchant le cerveau dans son stade final…


Baudoin savait quel sort l’attendait, qu’on ne guérissait pas de la lèpre. Il avait conscience que sa jeune vie ne serait qu’une lente agonie dont la seule fin serait une mort affreuse, les chairs décomposées tombant, vivantes, en pourriture, les yeux rongés par les pustules…


Devant une telle perspective, combien d’hommes eussent été désespérés ? Mais c’est en de semblables circonstances que l’âme d’un vrai chrétien se révèle, et Baudouin IV était un vrai chrétien.


La Sainte Providence l’avait placé à la tête du royaume de Palestine, (Baudoin fut couronné le 15 juillet 1174) ne devait-il pas accomplir, jusqu’au bout, son métier de roi ? Ainsi sa vie serait-elle une agonie, mais une agonie casquée, une agonie à cheval, face à l’ennemi ! Lui vivant, l’Infidèle ne reprendrait pas Jérusalem ; le Musulman ne souillerait pas le Saint Tombeau.


Le 25 novembre 1177, l’histoire offrit à Baudoin l’occasion de démontrer sa ferveur et son courage. Le royaume de Jérusalem subissait alors les assauts de l’armée de Saladin et de ses 30000 hommes. Les chrétiens venaient de voir les musulmans ravager leurs champs, profaner leurs églises, massacrer femmes et enfants.


Réagissant immédiatement, Baudoin, alors âgé de seulement 16 ans, parvint à réunir une armée composée de 400 hospitaliers, 80 templiers et 4000 fantassins, tous prêts à mener la bataille décisive contre l’envahisseur.


Profitant d’une erreur de Saladin (celui-ci avait permis à son armée de se disperser lors du pillage de villages chrétiens sur la route de Jérusalem), Baudoin mena son armée le long de la côte et bifurqua rapidement pour rejoindre les musulmans par le nord. La rencontre eut lieu à Montgisard, entre Jérusalem et Jaffa.


Baudoin avait demandé à l’évêque de Bethleem d’élever à la tête de ses troupes un morceau de la vraie croix en guise d’étendard. Ce sera la victoire de la chrétienté ou la mort. Et l’on devait raconter qu’au plus fort du combat, il leur sembla à tous que la Croix devenait immense, gigantesque, touchant le ciel. Certains témoins rapportèrent qu’à un instant critique de la bataille, un chevalier mystérieux apparût au milieu des barons, revêtu d’une armure étincelante, dispersant les Sarrasins devant lui ; Saint Georges lui-même, un des patrons du royaume de Palestine, descendu du ciel pour aider ses compagnons d’armes. Et Il faut s’imaginer Baudoin, silhouette resplendissante, vacillante sur son blanc destrier, « à moitié mort » selon un chroniqueur, un masque recouvrant son visage ravagé par la lèpre et menant lui-même charge après charge. Guidé par un tel homme, comment ne pas déchaîner la fureur de Dieu sur ses ennemis.


Pour Saladin, la surprise fut totale. Les croisés francs, à un contre dix, pulvérisèrent les musulmans. Rien ne résista aux charges de la cavalerie, pas même les 1000 mamelouks constituant la garde personnelle de Saladin, anéantis en quelques minutes. Celui-ci fut contraint de s’enfuir en Egypte et  la victoire fut totale pour les croisés.


7 ans plus tard, Baudoin réitéra l’exploit. Au mois d’août 1184, on apprit à Jérusalem que le sultan attaquait le krak du Moab, le château-fort chrétien qui défendait le passage de la Mer Morte. Croyant Baudouin à l’agonie, le Turc jugeait le moment favorable. C’était mal connaître le petit héros chrétien. Un ordre ! « Qu’on me place dans une litière, portée à deux chevaux ! Qu’on me guide au milieu de mes chevaliers ! Et nous irons, avec l’aide du Christ, délivrer le krak de l’attaque des infidèles ! » Et l’on vit arriver, en effet, sur le champ de bataille, gisant dans la litière, totalement aveugle, le petit roi sublime et l’on vit, une fois encore, Saladin décamper devant lui.


Le roi était alors dans sa dernière année, sa maladie parvenant à son effroyable terme. Le Seigneur lui imposait des souffrances terribles, mais le Christ lui-même n’avait-il pas souffert terriblement ? La mort était son seul avenir, à lui enfant des hommes, mais Jésus, fils de Dieu, n’était-il pas mort, lui innocent, pour racheter le monde de ses péchés ? À genoux devant le Saint-Sépulcre, bien souvent le petit roi lépreux méditait sur ces questions et puisait dans l’amour du Christ, dans ses promesses de salut éternel, le courage de vivre en roi, en chrétien, malgré tout. Baudoin expira le 16 mars 1185, âgé de seulement 24 ans. Délivré de son long martyre, il fut enseveli près du Golgotha (la colline où le Christ avait été crucifié) et du Saint-Sépulcre où était mort et où avait reposé l'Homme de Douleur, son Dieu.


Il nous laisse un des plus glorieux témoignages de la puissance transcendantale de la dévotion chrétienne portée à son point d’incandescence, "stoïque et douloureuse figure, la plus noble peut-être de l'histoire des Croisades, figure où l'héroïsme, sous les pustules et les écailles qui le couvrent, confine à la sainteté, pure effigie du roi français" (René Grousset, L'Epopée des Croisades, Éditions Perrin, Mesnil-sur-l'Estrée 2000, p. 189), à placer à côté d'un saint Louis.

 

                                                 

"Fais ce que dois, advienne que pourra".

                                                                                                       

Baudoin IV, Roi de Jérusalem

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